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Le Chant de Salomon - Toni Morrison


“ Mon dieu ! Il marchait en plein vingtième siècle, en essayant d'expliquer ce qu'avait fait un fantôme. Et pourquoi pas ? se dit-il. Une chose était certaine : Pilate n'avait pas de nombril. Puisque cela était vrai, tout pouvait l'être, et pourquoi pas les fantômes aussi ? ”


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J'avais besoin d'une valeur sûre. D'une plume qui m'agrippe le cœur, d'un hameçon duquel il ne puisse pas se décrocher. Une ancre qui me stabilise pendant cette drôle de période que nous traversons. Toni Morrison est incontestablement une valeur sûre pour moi. Depuis plusieurs mois, Le Chant de Salomon se cachait dans ma pile à lire et comme Barack Obama recommande sa lecture et qu'il a toujours été de bon conseil (j'ai beaucoup aimé Les Furies et Underground Railroad), j'ai donné sa chance à ce roman... et je n'ai pas regretté.


C'est peut-être le moins accessible des livres de Toni Morrison que j'ai lus jusqu'à présent mais le charme a opéré. Le Chant de Salomon est l'histoire d'une quête dont le héros se méprend sur l'objet. Comme à son habitude, l'autrice déroute, perturbe, serpente entre rêve et réalité, laissant libre cours à notre imagination et à notre pouvoir d'interprétation. La malice avec laquelle sont choisis les noms des personnages en fait de même et vient délivrer à la fin du récit un message vibrant. Toni Morrison gravite autour des thèmes de la couleur de peau et du lien filial et nous tiraille entre des antagonismes profonds : les riches et les pauvres, le Nord et le Sud, les Noirs et les Blancs, le passé et le futur.


“ Il y a encore des endroits où un Noir ne peut pas témoigner contre un Blanc. où le juge, le jury, le tribunal, sont tous d'accord pour ignorer ce qu'un Noir a à dire. Ça signifie qu'un Noir n'est la victime d'un crime que lorsqu'un Blanc le dit. Seulement dans ce cas-là. ”


Comme dans ses autres romans, les femmes ont une place à part, et c'est peut-être l'une des facettes de ses œuvres qui me plaît le plus. Mi-fées, mi-sorcières, les personnages féminins fascinent autant qu'elles font peur. Puissantes, merveilleusement dérangeantes, protectrices, sentimentales, les femmes mettent en lumière l'amour dévorant : "l'amour anaconda".


Mystérieusement troublant, cruellement envoûtant, Le Chant de Salomon aura été une lecture marquante pendant ce confinement. Encore une fois, merci Barack, merci Toni !


“ Quand on connaît son nom, on s'y accroche, car si on ne l'écrit pas et si on ne s'en souvient pas, il meurt avec vous. ”


 

Le Chant de Salomon, de Toni Morrison, éditions 10/18 (480 pages, 8,80 €)

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