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Sucre noir, Miguel Bonnefoy


Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais, en ce qui me concerne, j'ai toujours eu un faible pour les histoires de pirates, les noms de leurs navires qui claquent autant qu'un pavillon à tête de mort hissé haut, et bien sûr leurs trésors légendaires. Quand je ne dépassais pas 120 centimètres, c'est la figure de Rackham le Rouge qui me fascinait, et le secret de la Licorne ; puis, lorsque mes gènes de géant du nord n'avaient pas encore fait leur coming-out et me stabilisaient à 160 centimètres, c'était bien évidemment Jack Sparrow et la malédiction du Black Pearl. Il fallait bien que je me trouve une nouvelle aventure du même acabit à découvrir du haut de mes 176 centimètres actuels. Car comme toute bonne légende pirate qui se respecte, Sucre Noir commence par un naufrage, celui d'un trois-mâts grouillant de pirates dirigés par le capitaine Henry Morgan. Et comme je suis une blogueuse sympa, je vais vous livrer une petite pépite culture G : Henry Morgan était un flibustier qui a réellement existé, né au Pays de Galle en 1635 et mort en Jamaïque en 1688. Notre ami Wikipédia précise à toutes fins utiles qu'il "connut de nombreux naufrages dus à son manque de talent en tant que capitaine" (c'est ball'eau pour un pirate, non ?).

Pas sûr qu'il aurait chopé beaucoup de donzelles sur tinder avec ce profil

C'est le point de départ qu'a choisi Miguel Bonnefoy pour plonger son lecteur dans une ambiance tropicale, au beau milieu des Caraïbes, pour lui donner ensuite rendez-vous au même endroit quelques siècles plus tard. On fait alors la rencontre de la famille Otero, acquéreurs d'une plantation de cannes à sucre et d'une propriété à l'abandon pour laquelle l'acte de vente précisait que "ceux qui [en] prendraient possession devaient s'engager à ne rien toucher dans la chambre du fond". La porte de cette chambre n'est ouverte qu'une fois par an : tous les 1er novembre, une drôle de petite vieille vient s'y s'enfermer pendant des heures avec un seau pour pleurer son défunt époux.

Je ne préfère pas vous en dire plus sur l'histoire de ce livre par crainte de vous la divulgacher. Sachez seulement que Sucre noir vous plaira si vous aimez les histoires dont les intrigues filent sur l'eau, sans trop de flonflons, mais habillées d'un brin de lyrisme et d'exotisme.

Pour ne rien vous cacher, j'étais un tantinet déçue lorsque j'ai terminé ce roman, car ce n'était pas ce à quoi je m'attendais. Cependant, j'y ai beaucoup repensé par la suite et ça m'a frappée : l'auteur est en fait un petit génie. Parce que l'effet procuré par ce livre correspond exactement à son thème de fond : un trésor ne se trouve pas nécessairement là où on le cherche.

" Il parla de son destin, de sa passion, rappelant qu'il était un chercheur d'or et que, comme tout chercheur d'or, il ne serait un homme que lorsqu'il aurait sorti un trésor du fond de la terre. Serena le fixa longtemps, sans ciller et lui répondit avec une sagesse orgueilleuse qui n'était pas de son âge : - Imbécile. Tu seras un homme quand tu sortiras un trésor du fond de mes yeux."

Il paraît que le pavillon noir orné d'une tête de mort (pour votre culture G, son petit nom c'est le Jolly Roger - prononcez-le à la française, c'est bien plus marrant) était une illustration du concept de Memento Mori ("Souviens-toi que tu vas mourir" en latin) : si cela peut de prime abord paraître morbide, c'est également une ode à la vie (traduit en pirate : vu que tu ne sais pas quand on va te jeter aux requins, bois du rhum, voyage, pille des trésors - profite au maximum de ta vie quoi). Deux faces pour une seule pièce, en quelques sortes. Tout comme Sucre noir. Côté pile, un petit roman à l'histoire poétique teintée de désillusions ; côté face, une belle tempête qui vous donnera envie de profiter de la vie.

Et pour rester dans la même ambiance, ou presque... (Cliquez donc !)

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