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La Fièvre - Sébastien Spitzer


Deuxième livre de Sébastien Spitzer que je découvre, deuxième lecture pour la rentrée littéraire, et, dans les deux cas, deuxième fois que je suis conquise ! Conteur de talent, cet auteur a décidément un don pour nous plonger dans les recoins de l'Histoire et dans des ambiances dont il est difficile de ressortir tant elles sont remarquablement dépeintes. Avec son dernier roman, direction Memphis, en 1878. Place au sud profond des États-Unis : sa chaleur, ses plantations de coton, ses chemins de fer, ses touches de culture française, les eaux vaseuses du Mississippi, ses bateaux à roue à aube et... sa fièvre jaune.


Pour nous faire vivre ce sombre épisode de l'histoire du Tennessee, Sébastien Spitzer entrelace trois destins : celui d'Emmy, petite fille métisse ; de Keathing, quadragénaire à la tête du journal local ; et d'Anne Cook, tenancière de la maison close la plus populaire de la ville. J'ai eu un gros coup de cœur pour ce dernier personnage, la lecture de ce roman vaut le détour rien que pour la rencontrer ! Comme à son habitude, le pinceau stylistique de l'auteur floute à merveille les contours du bien et du mal. La précision de ses mots, sa plume fluide et efficace ainsi que le choix des détails pour composer une atmosphère sont un vrai régal. J'avais presque l'impression d'entendre la cloche du fossoyeur et de ressentir l'atroce bouillonnement qui consume les fiévreux.


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“ La fièvre. Je l'ai vue à l'oeuvre, Madame. Et c'est une belle saleté. Elle va faire des dégâts. Bien pire que la fièvre jaune d'avant. Elle est de retour. Plus méchante. Vous savez que La Nouvelle-Orléans s'est mise en quarantaine ? Et nous ? ”

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Vous pourriez m'objecter que ces perspectives de sensation ne sont pas très réjouissantes au vu de la pandémie actuelle, mais vous passeriez vraiment à côté d'un roman dont l'autre grande qualité (en plus de son aspect profondément immersif) est la résonance avec notre temps. Impossible de ne pas faire le parallèle avec ce que nous traversons à croire que l'auteur est un visionnaire ! La fuite des villes, l'impact des messages des médias, le dilemme économie/santé publique, les doutes scientifiques... tout ceci aurait pu me rebuter mais au final, la comparaison entre les deux époques est fascinante. Et également troublante, comme cette scène de policiers blancs qui rouent de coups des hommes noirs. Car c'est aussi ça, le sud des États-Unis : des remugles de racisme. Dans La fièvre, les tentacules du Ku Klux Klan s'immiscent dans l'histoire aussi sournoisement que les mensonges et la lâcheté des hommes de pouvoir. Une toile de fond qui offre un contraste saisissant avec le courage inattendu des protagonistes de l'ombre.


Sans pathos ni manichéisme, Sébastien Spitzer nous invite à réfléchir à cette phrase ensorcelante : “ La peur s'attrape plus vite que la vérole. ”.

 

La Fièvre, Sébastien Spitzer, aux éditions Albin Michel (320 pages, 19,90 €)

Merci aux éditions Albin Michel pour l'envoi du livre !

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