top of page

Des Nouvelles du monde - Paulette Jiles


"Quand ils découvraient ses prospectus, les hommes désertaient le saloon, sortaient en douce de divers établissements anonymes, quittaient leurs maisons et le confort d'un feu de cheminée pour courir sous la pluie, laissaient leur bétail, enfermé et couché dans la paille, à côté de la Red en crue, pour venir écouter les nouvelles du monde lointain."


*


Nom d'un bison futé à tricycle ! Si je savais faire des signaux de fumée en forme de cœur, nul doute que je m'emploierais depuis mon petit balcon parisien à vous envoyer des bouffées d'amour pour vous dire tout le bien que je pense du roman Des Nouvelles du monde de Paulette Jiles. Cette histoire fait partie de ces livres que je traque éternellement, de ceux qui m'embarquent et réchauffent mon âme.


Comment ne pas succomber aux moments de grâce que provoque la rencontre au XIXème siècle d'un vieil homme qui parcourt le Texas pour faire la lecture publique de journaux avec une petite fille au destin sans pareil ? Car à l'âge de six ans, Johanna a été enlevée puis élevée les Kiowas, amérindiens parcourant les plaines de l'ouest. Lorsqu'elle croise quatre années plus tard la route du capitaine Kidd, chargé de la rendre aux siens, c'est le choc des cultures : la petite ne parle plus anglais et a perdu tout repère du monde social dans lequel elle est née. Débute alors un voyage initiatique, autant pour l'un que pour l'autre...


*


" Elle sourit pour la première fois. Il n'existait pas de signe pour "merci". Il n'y avait pas de mot chez les Kiowas pour dire "merci". On n'avait pas besoin de la reconnaissance des autres pour savoir qu'on avait bien agi, fait quelque chose de louable, il était inutile d'insister. Les Kiowas employaient une langue tonale et chantante qui montait et descendait au gré des verbes complexes, et cela devait suffire à exprimer sa gratitude d'avoir été sauvée des hommes en bleu avec leurs grands et gros revolvers de l'armée, semblables à des pattes de cochon sur leurs cuisses, tous habillés de la même façon, ce qui n'avait rien d'anormal."


*

Des Nouvelles du monde, c'est une ode à la beauté du langage, qu'il soit parlé, écrit, corporel ou qu'il se grime même sous une autre forme, plus puissante, indescriptible. C'est une invitation à ralentir, à se souvenir du temps où la transmission des informations n'était pas immédiate, et que cela n'empêchait pas de profiter pleinement des jours qui coulent. C'est un témoignage sur ces destins d'enfants doublement déracinés, car d'abord capturés par les Indiens, puis rendus avec la même violence à leurs familles. C'est une carte postale de 1870 du Texas, avec ses rivières en crue, ses villes croissantes, ses guerres politiques, ses cow-boys, ses bandits des plaines, ses tribus indiennes, et sa nature époustouflante. C'est un coup de cœur, tout simplement.

 

Des Nouvelles du monde, de Paulette Jiles, collection Folio (288 pages, 7,40 €)

Merci à l'équipe Folio pour l'envoi du livre !

bottom of page