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Nos disparus - Tim Gautreaux


“Peut-être n'y avait-il pas de mots pour décrire l'absence d'envie de vengeance. En quoi la vengeance aurait-elle pu apporter quelque chose à un bébé si heureux d'avoir été tiré du poêle pour se retrouver entre les bras de son oncle ? Il lui vint à l'esprit cependant que depuis il aurait pu comprendre, à un moment ou à un autre, si la vengeance était importante. Mais à quoi pouvait-elle bien servir ? A régler les comptes du passé ? A rendre la monnaie de sa pièce à un salaud ? On ne lui avait pas appris à penser de cette façon. Son oncle lui avait dit et répété que la vengeance ne menait nulle part et qu'un salaud se punissait tout seul en en étant un.”

Nom d'un orgue à vapeur enrhumé ! Si je vous dis "Mississippi", j'imagine qu'il y a de fortes chances pour que vous pensiez à Tom Sawyer (c'est l'Amérique, le symbole de la libertééé), n'est-ce pas ? J'ai envie de vous présenter un autre héros de la littérature dont les aventures se déroulent aux abords de ce fleuve : Sam Simoneaux. Après un débarquement en France à la fin de la première guerre mondiale, ce Cajun retourne dans sa Louisiane natale et assiste impuissant à l'enlèvement d'une enfant à l'étage d'un magasin de la Nouvelle-Orléans dont il est responsable. Le seul moyen pour lui de récupérer ce travail confortable après cette mésaventure ? Retrouver la fillette, ce qui le conduira à bord de l'Ambassador, bateau à vapeur voguant sur le Mississippi, ainsi que dans les mystérieux bayous...

J'ai commencé la lecture de Nos Disparus quelques heures avant la fin de mon voyage en Louisiane, il a été un parfait moyen de prolonger ce séjour. Tout y est pour ceux et celles qui sont attiré·es par cet Etat : des éléments qui viennent immédiatement en tête lorsqu'on s'imagine cette contrée d'Amérique (bayous, bateaux à roue à aube, jazz, etc.) mais aussi des détails finement glissés qui permettent de mieux comprendre son riche terreau culturel. La ségrégation entre les Blancs et les Noirs est par exemple habilement dénoncée, tout comme la discrimination moins connue exercée à l'encontre des Cadiens. Les moments du récit se déroulant à la Nouvelle-Orléans sont également très réalistes : quel plaisir de voir les noms de rues connues venir quadriller le périple de Sam Simoneaux !

Et si j'insiste sur le nom de notre héros, c'est qu'il est particulièrement attachant ; il était presque difficile de lui dire au revoir une fois la dernière page tournée. Rongé par ses cauchemars de la guerre et par le souvenir de sa famille assassinée, Sam ressemble à certains personnages campés par Russell Crowe : déchu, un peu bourru, mais loyal, vaillant et intelligent. Son expédition se révèle captivante parce qu'elle ressemble à une enquête policière mais aussi parce qu'elle est enrichie de descriptions qui ne viennent pour autant jamais alourdir le récit.

Ajoutez à cela une plume comme je les aime, raffinée mais fluide, et vous obtenez un excellent roman noir, d'aventure, qui traite avec talent les thèmes de la perte et de la vengeance.

“La seule chose plus triste qu'une chanson triste est aucune chanson du tout.”

*

Nos Disparus, de Tim Gautreaux, aux éditions du Seuil et Points (grand format : 544 pages, 23 € ou 16,99 € en version numérique ; format poche : 576 pages, 8,4 €)

Un grand merci à la librairie Le Grenier d'Abondance pour cet excellent conseil !

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