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Les Enfants de coeur - Heather O'Neill


“Nous sommes tous aux prises avec des contradictions. Les contradictions sont merveilleuses. Quand on ne croit pas que tout contient des contradictions, alors on ne comprend pas grand chose. On se connaît soi-même en embrassant ce qu'on n'est pas. On devient bon en s'attaquant de front au mal.”

Nom d'une d'un sirop d'érable frappé ! C'est loin d'être le livre de l'année mais ce n'est pas non plus un flop monumental : Les Enfants de cœur, de la canadienne Heather O'Neil, fait partie de ces romans un peu tièdes que j'aurais du mal à recommander sans pour autant les remiser au fin fond de ma mémoire. Il faut dire que ce second candidat au prix du meilleur roman 2020 des éditions Points avait du potentiel : au début du XXème siècle, à Montréal, deux enfants nés dans le péché se rencontrent dans un orphelinat où ils subissent des mauvais traitements infligés par des religieuses. Liés par un amour inconditionnel et par leur goût du spectacle, Rose et Pierrot voient leurs destins se séparer lors de la Grande Dépression. S'engage alors une lutte entre leurs démons intérieurs et leurs rêves d'enfants, qui les entraînera dans un tourbillon de passion, d'ambition, et de déraison...

“C'était triste pour tous les enfants. Ils avaient tant besoin d'amour. Les corrections nuisaient à leur estime de soi. Comme s'ils étaient battus chaque fois qu'on les trouvait absorbés dans leurs pensées, ils craignaient de laisser leur esprit vagabonder. Leurs petits cerveaux n'avaient pas le droit de s'amuser ni de badiner gaiement dans l'Elysée magique qu'était l'enfance. Mais les personnalités de Pierrot et de Rose survécurent à ce régime.”

Avec un début d'une poésie sombre, Les Enfants de cœur avait le terreau d'une grande et belle histoire d'amour. Le scénario de The Greatest Showman semblait se ré-écrire sous mes yeux pour mon plus grand bonheur : deux gamins enchantés par les arts de la scène et qui tombent amoureux, il y avait de quoi rêver, non ? Et puis, les premiers émois sexuels de Pierrot et Rose interviennent dans le récit et là, patatras. Le fan club des Cinquante Nuances de Grey n'a qu'à bien se tenir. Si vous voulez du sexe à gogo, vous allez être servi·e ! C'est cru, violent, laid, en totale contradiction avec les allures de conte dont se pare le récit. Paradoxalement, c'est peut-être cet entremêlement de tonalités que je retiendrai. Un conte moderne traitant de la perversité, il fallait oser !

“Quiconque ayant un tant soit peu d'expérience sur cette planète ne pouvait nier que le péché et le bonheur étaient complices, inextricablement liés. Y avait-il jamais eu deux autres états si fortement attirés l'un par l'autre, chacun toujours à chercher la compagnie de l'autre ? Il étaient faits l'un pour l'autre, et méfaits l'un pour l'autre.”

Outre ses aspects libidineux, la plume de Heather O'Neill peint un personnage féminin singulier qui m'a beaucoup plu : Rose, audacieuse, confiante, éprise de liberté et d'égalité entre les femmes et les hommes, a comme des airs de Satine, la reine du Moulin Rouge dans le film éponyme de Baz Luhrmann (eh oui, vous l'aurez compris, la lecture de ce livre m'a renvoyée à de célèbres comédies musicales !). Quant à Pierrot, il campe à merveille le rôle de l'artiste déchu. Dommage qu'il se dédouble trop souvent en marquis de Sade...

“Tous les enfants sont en réalité orphelins. Au fin fond de soi, l'enfant n'a rien à voir avec ses parents, son milieu, son nom de famille. C'est une personne toute neuve, née avec le seul héritage que reçoivent tous les individus en ouvrant les yeux en ce monde : le droit inaliénable d'être libre.”

Mon cœur de juré n'a donc pas encore été conquis. Candidat suivant ?

*

Les Enfants de cœur, de Heather O'Neil, aux éditions du Seuil (480 pages, 21,50 €; collection Points : 477 pages, 8,40 €)

 

Mon avis sur les autres candidats au prix du meilleur roman 2020 des éditions Points :

  1. Roissy, de Tiffany Tavernier

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