top of page

Feel good - Thomas Gunzig


“— C'est quoi le feel good book ?

— C'est un "livre pour se sentir bien". En gros, on doit présenter la vie sous un angle positif, faire des portraits de personnages qui traversent des épreuves compliquées mais qui s'en sortent grandis. Ce sont des histoires dans lesquelles l'amitié triomphe de l'adversité, dans lesquelles l'amour permet de surmonter tous les obstacles, dans lesquelles les gens changent mais pour devenir meilleurs que ce qu'il étaient au début...

— Aaaaah, il faut parler de résilience et de conneries comme ça ?

— Oui, par exemple, il y a pas mal de psychologie. Mais de la psychologie à trois sous, des notions pas du tout approfondies, des choses très basiques que le lecteur doit saisir en un instant, il y a souvent un petit côté "développement personnel" et puis faut pas hésiter à avoir la main lourde sur la spiritualité.”

Nom d'une épine de porc-épic mal léché ! Si le monde entier est un cactus, il se pourrait bien que le nouveau chantre de cet hymne se nomme Thomas Gunzig. Dans son roman Feel Good, l'auteur belge épingle les travers de notre société qui picorent la vie d'une frange de la population et qui sucent jusqu'à la moelle son existence. Démarche paradoxale compte-tenu du titre du livre ? Et bien, c'est précisément ce qui m'a plu : le récit casse les codes du roman feel good sans jamais sombrer dans un pessimisme oppressant.

Satire incroyablement minutieuse du monde moderne, cette fiction se savoure pourtant comme on lirait un livre de Katherine Pancol, une pointe d'exquise acidité en plus : on se laisse emporter par des parcours de vie de personnages qu'on pourrait croiser au coin de sa rue. Sauf qu'à la différence des protagonistes de l'autrice précitée, Thomas Gunzig s'attache aux "ratés", aux frustrés, aux exclus, aux moyens : aux vrais "naufragés de la vie". De quoi faire gronder de colère contre les inégalités sociales.

“C'est dans ces moments-là loin de chez lui, alors qu'il était confronté de manière aiguë à sa position de poids moyen, ni connu ni inconnu, pas vraiment un perdant sans jamais avoir connu le goût du triomphe, qu'une jalousie au goût de mort venait lui tordre le cœur.”

En ouvrant ce livre, vous ferez la rencontre de deux obstinés de la réussite (qui ne l'est pas ?) à qui la vie n'a pas souri : Tom, un écrivain sans gloire et Alice, une mère célibataire au chômage. Un coup de folie, l'idée du siècle, la rage de vaincre, et voilà nos deux antihéros embarqués dans une aventure au ton mordant et loufoque. Le monde littéraire n'échappe pas à la plume acérée de l'auteur, et je dois dire que le petit coup de coude dans les côtes des bookstagrameurs est délectable ! Eh oui, croyez-le ou non, j'ai apprécié prendre dans ma figure de blogueuse littéraire une pichenette bien sentie !

Bien au-delà de ces considérations livresques, c'est surtout le regard inquisiteur de la société qui est mis au pilori dans ce roman, ainsi que cette misère qui menace tant de gens sous notre regard trop souvent indifférent. Plusieurs fois, je me suis dit que ce livre serait à glisser entre les mains des politiques qui avaient méprisé ceux qui s'étaient plaint de la baisse des APL de cinq euros par mois. Thomas Gunzig réussit avec talent à mêler une intrigue tragi-comique avec des considérations bien pesées sur la précarité, ce qui forme un enchevêtrement original et étrangement fluide. A moins que vous soyez rebuté·e par des scènes de sexe un peu crues (qui, pour ma part, ne m'ont pas du tout dérangée, mais je préfère prévenir !), Feel Good est un ovni qui amènera un souffle de grave fantaisie dans vos choix de lecture pour la rentrée littéraire. Dans la vie, il y a que des cactus, piquez-vous de le savoir...

*

Feel Good, de Thomas Gunzig, aux éditions Au diable Vauvert (400 pages, 19 €)

Un grand merci à l'agence Anne & Arnaud pour l'envoi de ce livre !


bottom of page