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Le Chant de la Tamassee - Ron Rash


“Le plus important, c'est que la Tamassee a obtenu le label "rivière sauvage", moyennant quoi la loi fédérale interdit d'en perturber le cours naturel. Toute cette histoire va donc se résumer, en grande partie, à savoir dans quelle proportion, le cas échéant, on peut apporter des changements à son environnement."

Avez-vous eu la chance de trouver THE libraire, celui ou celle en qui vous avez une confiance aveugle quel que soit le titre qu'il ou elle vous recommande ? Après des années d'errance, je l'ai enfin rencontrée, ma Super Libraire, celle qui me conseille des livres qui ont et vont faire battre mon petit cœur de lectrice. Avec Le Chant de la Tamassee de Ron Rash, elle a encore frappé fort. La preuve – et je préfère préciser que cela m'arrive très rarement – : ce livre m'a tenue en haleine jusqu'à une heure tardive la veille d'une journée de travail. C'est simple, je n'ai pas réussi à le lâcher avant d'atteindre son ultime ligne.

Il n'y a pas un seul élément que je n'ai pas aimé : le style, le rythme, les personnages, la construction du récit, l'atmosphère... tout est dosé à la perfection. Je me suis laissée emporter par le courant mystique de la Tamassee, cette rivière imaginaire, inspirée de la Chattooga, qui dessine une frontière entre la Caroline du Sud et la Géorgie. Une loi fédérale la protège de toute modification par la main de l'Homme. Sauf qu'un fait divers va venir ébranler cette règle jusqu'alors respectée de tous : la noyade d'une jeune fille, dont le corps reste bloqué sous des rochers à quelques mètres d'une chute d'eau. La construction d'un barrage temporaire apparaît comme la seule solution pour dégager la dépouille. S'engage alors une guerre entre les défenseurs de la Nature et les nombreux soutiens à la famille de l’adolescente. Chargés de couvrir l'événement pour un journal, Maggie, jeune photographe native de la région, et Allen, ancien reporter de guerre, se rendent sur les lieux de l'accident. Pour Maggie, il s'agit d'un véritable retour aux sources qui vont l'obliger à faire face aux fantômes du passé. Pour Allen, comme pour le lecteur, le reportage sera l'occasion de découvrir une communauté, une culture et des passions dévorantes.

"— Il faudra avoir du cran pour soutenir ce qu'ils savent être juste, a répondu Luke.

— A savoir ? a demandé Allen.

— Que le corps de la fillette appartient maintenant à la Tamassee, qu'à l'instant même où elle s'est avancée dans les hauts-fonds, elle a accepté la rivière selon ses conditions. C'est ça, la nature sauvage — la nature selon ses conditions, pas les nôtres."

Avec une bouleversante histoire de famille en filigrane, Le Chant de la Tamassee est une ode à la Nature comme j'en ai rarement vue. Pour autant, Ron Rash n'omet pas d'explorer la nature humaine dans toute sa complexité. Le respect de l'environnement contre le deuil, quel duel dramatique et empoignant ! Par ailleurs, l'opposition de la loi au besoin d'une sépulture m'a replongée dans un mythe qui me tient à cœur : l'histoire d'Antigone...

Pleine de tensions sans être dénuée de sensibilité, l'intrigue du Chant de la Tamassee permet d'exacerber les passions et les convictions de chaque personnage, que je ne suis pas prête d'oublier. Maggie, lucide, sensible, déchirée et vacillante. Allen, secret, professionnel, placide et empathique. Luke, entier, brusque, fougueux et déterminé. Sans oublier Tante Margaret, protagoniste secondaire mais ô combien touchante par sa générosité et son amour.

Bien plus qu'un simple polar (je ne suis d'ailleurs pas vraiment d'accord avec cette étiquette), ce roman est une pépite sur le deuil (il est paradoxalement bouillonnant de vie !), la (ré)conciliation, la puissance de la Nature et le pardon. Vous l'aurez deviné, je lui attribue le label "coup de cœur" sans aucune hésitation !

"Autrefois, j'étais assez présomptueux pour croire que je pourrais sauver le monde, mais ça y est, j'ai compris. Le mieux qu'on puisse faire, c'est trouver une bonne cause, une seule, si infime soit-elle, et y consacrer toute son énergie."

Le Chant de la Tamassee, de Ron Rash, aux éditions du Seuil (240 pages, 19 €) et Points (264 pages, 6,9 €)

Un grand merci à ma Super Libraire de la librairie Le Grenier d'abondance à Salon-de-Provence qui, je l'espère, se reconnaîtra !

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