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Elle s'appelait Sarah - Tatiana de Rosnay


“Comme je vous l'ai dit, les Français sont très susceptibles sur le sujet, c'est encore extrêmement sensible. N'oubliez pas que c'est la police française qui a arrêté toutes ces familles juives. Pas les nazis.”

Demain, nous serons le 16 juillet. Une date parmi tant d'autres, me direz-vous. Sauf qu'il y a 77 ans se tramait un épisode noir de l'histoire de Paris : la rafle du Vélodrome d'Hiver. L'arrestation par la police française de 13 000 juifs avant leur déportation dans des camps d'extermination. Seules quelques dizaines de survivants en reviendront.

Derrière des dates et des chiffres, si nombreux qu'on en devient parfois hermétique, se cachent des histoires de famille, d'horreur et d'humanité, qui s'émiettent avec le temps et finissent éparpillées aux quatre vents. Qui mieux qu'un·e écrivain·e peut recomposer ces puzzles, conjuguer le passé et le présent, toucher en plein cœur notre réalité par la puissance de la fiction ?

Première rencontre avec la plume de Tatiana de Rosnay, premier coup de cœur. Elle s'appelait Sarah croise deux destins pour faire raisonner en nous ces mots simples et profonds : “Zakhor, Al Tichkah. Souviens-toi. N'oublie jamais.”. Le premier destin est celui d'une fillette de dix ans qui tente de sauver son petit frère de la rafle de l'été 1942 en l'enfermant à clé dans un placard de l'appartement parisien dans lequel vivait sa famille. Le second ? Celui de Julia Jarmond, journaliste américaine établie dans la capitale française, chargée d'écrire un article sur les soixante ans de ce drame.

“C'est inouï, dit Guillaume avec un sourire ironique, le nombre de Français qui ne savent toujours pas ce qui s'est passé. Et les Américains ? Vous étiez au courant avant d'avoir à travailler sur le sujet, Julia ?”

Tatiana de Rosnay évite tous les pièges que ce synopsis pourrait amener : pas de pathos, mais des nuages d'émotions finement émulsionnées ; pas de coïncidences forcées, mais des vies adroitement maillées ; pas de leçons de morale, mais un chant d'amour et d'humanité. L'écriture est étonnamment fluide et limpide pour ce sujet aussi douloureux et grave qu'est la rafle du Vél' d'Hiv'. La brutalité de cet événement frappe autant que l'indifférence ou le courage de certains protagonistes.

“On dirait qu'on a affaire, ici, à un cas pathologique d'amnésie.”

A travers les pages de ce roman, j'ai aimé sentir battre la pulsation si particulière de Paris, quitte à ce qu'elle me cogne et que les remugles du passé viennent complexifier toute l'imagerie qui se développe dans ma tête à propos de cette ville. Les entremêlements du passé et du présent m'ont également émue ; parce qu'après tout, ce tissage est l'étoffe de la vie.

Un petit conseil lecture en complément de cette recommandation, au cas où vous vous intéresseriez à cet étrange lieu qu'était le Vélodrome d'Hiver: le roman épistolaire Monarques de Sébastian Rutés et Juan Hernandez Luna.

Bonne(s) lecture(s) !

Elle s'appelait Sarah, de Tatiana de Rosnay, aux éditions Le Livre de poche (416 pages, 7,20 €)

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