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De l'Angleterre et des Anglais - Graham Swift


“La façon dont les gens regardent leur propre visage est souvent révélatrice. Ce n'est pas une chose qu'ils font souvent, ni même qu'ils ont envie de faire, mais chez le coiffeur, vous n'avez guère le choix. Au café, les gens paient pour s'asseoir et voir défiler le monde. Chez le coiffeur, ils paient pour contempler leur propre visage et vous voyez ce qui se passe en eux quand ils le font.”

Nom d'une gelée anglaise fluorescente ! Je sais pas vous, mais moi, je ne suis pas très branchée nouvelles. Comme il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, sur les bons conseils de ma Super Libraire, je me suis laissée tenter par le recueil de Graham Swift intitulé De l'Angleterre et des Anglais. Tout un programme... mais quel programme !

Je ne m'attendais pas à vagabonder dans des contrées aussi variées : dans des villes anglaises – Birmingham et Plymouth par exemple –, mais aussi en Irlande du Nord, en passant par les falaises blanches de Douvres ou encore dans certains pays du Commonwealth. Je ne m'attendais pas non plus à voyager dans le temps (l'Angleterre de Cromwell, le Blitz...), ni à croiser la route de personnages si différents. Parmi tant d'autres : un coiffeur, un professeur d'éducation physique, un notaire, un ostéopathe, une embryologiste, un soldat.

Bref, vous allez me dire qu'au final je ne m'attendais pas à grand-chose, et c'est peut-être l'une des raisons qui m'ont amenée à apprécier la saveur si particulière de ce recueil de nouvelles. Graham Swift démontre un grand talent pour saisir l'instant dans ses multiples paramètres sensoriels et émotionnels. Certaines histoires m'ont bouleversée. J'ai particulièrement aimé cette sensation de plonger immédiatement dans l'intimité de personnages. Deux ou trois phrases d'accroche suffisent pour se glisser dans des tranches de vie qui font vibrer les particules d'humanité qui sommeillent en nous : se blottir dans un lit pour écouter la pluie gargouiller au dehors par une soirée de mai ; retrouver des anciens camarades de classe ; déguster un whisky en Écosse...

La plume aiguisée de l'auteur et son sens de l'humour sont brillants et jouissifs. La vie côtoie la mort sans aucun pathos, et à l'image des films de Ken Loach, il se dégage de ces nouvelles une réflexion sur les classes sociales et sur l'identité qui ajoute un intérêt supplémentaire à cette lecture.

“Il s'éleva dans l'échelle sociale et découvrit qu'il n'avait pas le vertige.”

Ajoutez à cela quelques éléments typiquement anglais – virées au pub, paris sur les courses de chiens, tasses de thé, métro londonien – et vous obtenez une peinture de l'Angleterre et des Anglais aussi envoûtante que la lumière qui pénètre le brouillard britannique. J'aurai sans aucun doute grand plaisir à relire ces nouvelles plusieurs fois. Alors, prêt·e à succomber à cet England Calling ?

De L'Angleterre et des Anglais, de Graham Swift, aux éditions Gallimard (336 pages, 21 €)

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