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L'Histoire de Pi - Yann Martel


"La raison est excellente pour se nourrir, se vêtir, se loger. La raison est la meilleure boîte à outils. Il n'y a rien comme la raison pour maintenir les tigres à distance. Mais si on est excessivement raisonnable, on risque de jeter tout l'univers par la fenêtre."

Nom d'un bol de frosties au curry ! Vous souvenez-vous de cette pub pour des céréales qui rugissait aux téléspectateurs un tonitruant "Et le tigre est en toi !" (à ne pas confondre avec le tout aussi délicieux "et PAF ça fait des chocopics") ? Si cela ne vous dit rien, ce n'est pas grave. Dans le même esprit, j'ai mieux à vous proposer : L'Histoire de Pi, que vous connaissez peut-être sous un titre un peu différent puisque son adaptation cinématographique s'intitule L'Odyssée de Pi (quatre Oscars au compteur, je vous le recommande). Allez savoir pourquoi d'ailleurs, parce que nos amis Québécois, beaucoup plus fidèles que nous autres maudits Français, ont conservé le titre du livre pour le film.

Revenons à nos tigres. Si vous aimez les récits d'aventures, les histoires incroyables, les témoignages de survie et les romans fantastiques, L'Histoire de Pi est faite pour vous. Si vous aimez les personnages atypiques, les réflexions philosophiques et spirituelles, les fables ainsi que les œuvres allégoriques, L'Histoire de Pi est aussi faite pour vous. Ah, et si, comme moi, vous êtes fan du film Big Fish de Tim Burton, L'Histoire de Pi est encore faite pour vous. Bref, à la question "dans quelle catégorie se classe ce livre ?", il faut soit cocher moult cases, soit n'en cocher aucune. Et dans ces cas de problèmes de classement, soyons honnête : soit le livre est très bon, soit il est très mauvais. En l'occurrence, L'Histoire de Pi est comme un bol de frosties : très bon (après, chacun ses goûts, hein). Mais qui est donc ce fameux Pi ?

"J'avais quatorze ans — j'étais un hindou heureux — quand j'ai rencontré Jésus-Christ pendant les vacances."

Piscine Molitor Patel — Pi pour les intimes — est un jeune Indien de Pondichéry qui, à la suite du naufrage d'un paquebot japonais, se retrouve sur un canot de sauvetage en compagnie d'un tigre du Bengale nommé Richard Parker (d'où ma référence hautement intellectuelle aux frosties, marque de céréales dont la mascotte est un tigre, CFQD).

"Il fallait que je l'apprivoise. C'est à ce moment-là que j'en ai découvert la nécessité. Ce n'était plus une question de lui ou de moi. Nous étions, littéralement et figurativement, sur le même bateau. Nous allions vivre — ou nous allions mourir — ensemble. Il pourrait être tué dans un accident ou il pourrait mourir prochainement de causes naturelles, mais il aurait été fou de compter sur de telles éventualité. Le plus probable, c'était que le pire allait survenir : le simple déroulement du temps, là où sa résistance animale dépasserait facilement ma fragilité humaine. C'est seulement si je l'apprivoisais que je pourrais éventuellement l'amener par la ruse à mourir en premier, si nous devions en arriver à une aussi triste situation."

Le temps d'une lecture, aux côtés de Pi, j'ai été ballottée tantôt par des vagues d'angoisse, tantôt par des vagues d'espoir pour au final me faire submerger par une tempête d'appétit de vivre. Aucun suspense sur l'issue de son odyssée : on sait dès le départ qu'il va s'en sortir, ce qui permet de se plonger encore plus intensément dans ses aventures. Ponctuée de réflexions drôles et pertinentes sur la spiritualité, L'Histoire de Pi rejoint le clan des livres à multiples niveaux de lecture. Comme le renard du Petit Prince, on apprend à apprivoiser le tigre Richard Parker et à décrypter toutes les leçons de vie qu'il nous enseigne. C'est peut-être l'un des plus beaux livres sur la foi que j'ai eu entre les mains (vous pouvez mettre ce que vous voulez derrière ce "gros" mot" : foi en soi, en Dieu, en l'humanité...). Alors, prêt·e à faire rugir le tigre qui sommeille en vous ?

"C'est en toute modestie que je le dis, mais j'ai découvert à ce moment-là que j'avais une féroce volonté de vivre. Mon expérience m'avait montré que ce n'était pas évident. Quelques un d'entre nous abandonnent la vie dans un simple soupir de résignation. D'autres se battent un peu, puis perdent espoir. Et d'autres encore — et j'en suis — ne lâchent jamais. Nous résistons encore et encore et encore. Nous luttons quel que soit le prix du combat, quelles que soient les peines encourues, quelle que soit l'improbabilité de la victoire. Nous luttons jusqu'au bout. Ce n'est pas une affaire de courage. C'est quelque chose qui est en nous, une incapacité à abandonner. Ce n'est peut-être en fait qu'un bête appétit de vivre."

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