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Une Odeur de gingembre - Oswald Wynd


"Le monde est un curieux mélange de gens de toutes sortes, dont beaucoup ont l'air de ce qu'ils ne sont pas."

Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais, en ce qui me concerne, j'ai un petit faible pour les romans épistolaires. Mon goût pour les correspondances fictives a débuté avec la découverte des Liaisons dangereuses, ne s'est jamais essoufflé depuis, et se fortifie lorsque je découvre des romans tels qu'Une Odeur de gingembre, d'Oswald Wynd, écrivain écossais né en 1913 à Tokyo et mort en 1998 au pays du Loch Ness.

Recueil de lettres envoyées par une Écossaise à son entourage combinées avec des pages de son journal intime, Une Odeur de gingembre esquisse les contours politiques, sociétaux et culturels de trois puissances dans la première moitié du XXème siècle : l'empire britannique orchestré par le roi Edouard VII, la Chine dirigée par l'impératrice douairière Cixi, et le Japon aux mains de l'empereur Meiji.

Cette fresque historique se déroule à travers le regard de Mary Mackenzie qui, à l'aube de ses vingt ans, en 1903, embarque à bord du Mooldera, quittant Édimbourg pour partir épouser un riche militaire anglais en poste à Pékin. La jeune femme emporte dans ses bagages une vision naïve du monde, qu'elle décortique au fur et à mesure des kilomètres parcourus et des jours passés loin de son Écosse natale.

Dissimulant au fond de son cœur une graine d'émancipation et de féminisme qui ne demande qu'à éclore, Mary passe ses premières années asiatiques en Chine, et relate tant la solitude qui l'étreint dans sa "maison du mur au dragon" que sa fascination pour les fastes de la cour. Son récit d'un thé offert par l'impératrice douairière dans son palais d'été constitue d'ailleurs l'un des nombreux épisodes succulents de ses pérégrinations. Malheureuse dans son mariage, et enfermée dans le carcan protocolaire des colons européens, la jeune Écossaise - de la même trempe que la célèbre Rose interprétée par Kate Winslet dans Titanic - voit ses obligations d'obéissance et de bienséance mises à rude épreuve lorsqu'elle fait la connaissance du comte Kenturo Kurihama, militaire et aristocrate japonais. Un événement vient alors bousculer sa vie à tout jamais, et l'emmène à Tokyo, où ses sentiments seront confrontés au sens de l'honneur et du devoir japonais.

Le choix d'un format épistolaire est remarquable en ce qu'il laisse au lecteur un rôle actif. Quel plaisir de décrypter les non-dits, de lire entre les lignes, de deviner les faits qui se cachent derrière la pudeur dont se parent les mots de la narratrice ! Si sa candeur de départ prête à sourire, on est bien vite surpris par sa lucidité, sa soif d'indépendance et son besoin de rencontrer "l'autre". Aiguisant au fil des pages ses critiques envers les systèmes politiques et religieux, elle évolue tout autant que Tokyo, dont les descriptions transportent le lecteur au cœur d'une capitale fourmillant de pousse-pousse, puis traversée par le tramway, ainsi que par les premiers signes d'industrialisation et d'autarcie.

Une immersion mémorable dans l'Asie du début du XXème siècle, un voyage inoubliable dans non pas 24 heures mais 40 années de la vie d'une femme, exceptionnelle de surcroît.

"Cela fait presque deux ans que j'ai emprunté la passerelle du S.S. Mooldera à Tilbury. Cette jeune fille que j'étais aurait été horrifiée à l'idée de partager une cabine avec la femme que je suis devenue."

Et pour rester dans la même ambiance, ou presque... (Cliquez donc !)


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