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Underground Railroad - Colson Whitehead


"Le seul moyen de savoir depuis combien de temps on est perdu dans les ténèbres, c'est d'en être délivré."

Après avoir dévoré Les Furies de Lauren Groff, j'ai décidé de poursuivre avec une autre lecture encensée par mon conseiller littéraire du moment, Barack Obama ('scusez du peu ; d'ailleurs, si ça vous intéresse, vous trouverez sur le site du New York Times la "reading list" de Mister ex-President). Et pour la deuxième fois, je peux le remercier d'avoir parlé aux médias de ses livres coups de cœur car Underground Railroad, de Colson Whitehead, m'a subjuguée.

Le décor - une plantation de coton en Géorgie au début du XIXème siècle - est aussi rapidement et efficacement planté que le personnage principal enraciné, dans une généalogie flétrie par l'esclavage. Après sa grand-mère Ajarry, et sa mère Mabel après qui elle gardera une rancœur pour s'être enfuie sans elle, Cora (qui aurait pu naître de la plume de Toni Morrison) subit la violence extrême de ses maîtres blancs et l'absence de solidarité qui règne dans la communauté d'esclaves dans laquelle le lecteur est immergé. Elle accepte un jour de s'enfuir avec un autre esclave, Caesar. Malgré le chasseur d'esclaves Ridgeway à leurs trousses, ils empruntent le fameux Underground Railroad, le "chemin de fer" clandestin, qui était un réseau de routes clandestines utilisées par les esclaves noirs américains pour rejoindre le Nord, avec l'aide des abolitionnistes (merci l'ami Wikipedia).

Petit point culture gé : si ce réseau est matérialisé dans le roman par un train souterrain né de l'imagination de Colson Whitehead, il faut savoir qu'en réalité ce n'était pas un chemin de fer. Il portait ce nom en raison d'une terminologie ferroviaire utilisée par cette organisation illicite. Par exemple, les "chefs de train" étaient chargés d'aider les fugitifs à se déplacer la nuit de "gare en gare", et de leur trouver des "dépôts" pour se reposer le jour ; les "actionnaires" aidaient en donnant de l'argent ou des fournitures. Bref, c'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup : l'intensité du roman doit beaucoup à l'idée brillante de son auteur de représenter physiquement un réseau qui, dans les faits, aurait permis à 100 000 esclaves de s'échapper.

"Il y avait une hiérarchie du malheur, des strates concentriques de malheur, et on était censé en tenir compte pour savoir où se situer."

On voyage ainsi aux côtés de Cora et de Caesar à travers la Caroline du Nord, du Sud, le Tennessee et l'Indiana pour découvrir avec horreur le traitement que chaque état américain réservait aux Noirs. Colson Whitehead explore les tréfonds de l'imagination humaine en matière de violence et d'humiliation : impossible de rester indifférent·e à l'évocation des "spectacles de faux-nègres" ou encore des musées sur l'histoire américaine embauchant d'anciens esclaves pour jouer leur propre rôle dans des tableaux dont ils connaissent les inexactitudes criantes. La galerie de personnages modelés avec justesse par l'auteur rend également l'odyssée de Cora puissante, et la lecture fluide et dynamique. Des rails solides qui permettent de cheminer intelligemment dans une réflexion sur l'esclavage et l'histoire des Etats-Unis.

"Après tout, c'était une enfant perdue. Pas seulement dans le sens que la plantation donnait à ce terme - une orpheline, sans personne pour s'occuper d'elle - mais dans toutes les autres sphères. Quelque part, bien des années plus tôt, elle avait quitté le chemin de la vie et ne retrouvait plus son chemin vers la famille des hommes."

Et pour rester dans la même ambiance, ou presque... (Cliquez donc !)

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