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Emma, Jane Austen


Si Forrest Gump affirme que la vie c'est comme une boîte de chocolat car on ne sait jamais sur quoi on va tomber, j'ai bien envie de répliquer en ces temps de fêtes de fin d'année qu'un roman de Jane Austen, c'est tout simplement comme un bon chocolat qui fond sur la langue : les saveurs explosent dès les premières secondes, gardent leur intensité tout le temps de la dégustation, et vous transportent dans une onde de plaisir telle qu'une fois fini, vous avez hâte d'en reprendre un.

"- Quelles sont les deux lettres de l'alphabet qui expriment la perfection ?

- Deux lettres, répondit Frank, exprimant la perfection ! J'avoue que je ne vois pas [...]

- C'est certain, vous ne devinerez pas. Je vais vous aider. M et A : Emma. Vous avez compris ?"

Emma Woodhouse, jeune femme de bonne famille vivant avec son père veuf dans un petit bourg du Surrey, semble en tout point parfaite. Encore plus parfaite à mes yeux de féministe qu'elle est bien décidée à ne pas faire dépendre son bonheur d'un mariage : "Assurément aucun homme n'arrive à comprendre qu'une femme refuse jamais une proposition de mariage. Ils s'imaginent toujours qu'elles sont à la disposition de quiconque veut bien les demander.". Elle n'hésite pas à clamer haut et fort cette soif d'autonomie (rendue plus facile à cette époque grâce à la situation financière de sa famille, avouons-le) et son dévouement à son père, faisant preuve d'une lucidité décapante sur les rapports entre la richesse et le statut social qui régissent les relations de la société anglaise du XIXème siècle : "Je ne serai pas une vieille fille désargentée, et c'est seulement le manque d'argent qui rend le célibat méprisable aux yeux d'un généreux public. Une femme célibataire qui ne dispose que d'un maigre revenu sera nécessairement une vieille fille ridicule, déplaisante, une cible toute trouvée pour les plaisanteries des polissons du quartier. Mais la même avec du bien aura droit au respect, et on lui accordera autant de bon sens et de charme qu'à toute autre."

Alors qu'elle se place paradoxalement hors de portée de tout soupirant, et seul petit défaut parmi son éventail de qualités, elle se voue à un divertissement bien singulier pour égayer ses journées : celui d'essayer de former des couples parmi ses connaissances. C'est ce que lui reproche son ténébreux voisin, Monsieur Knightley, à l'image de la réplique suivante : "Vous ne faites pas mystère du plaisir que vous éprouver à marier les gens.".

Vous vous en doutez, cette activité ne sera pas sans conséquences pour toute la communauté du petit village de Highbury, car à force de sonder les cœurs et de déplacer ses pions sur l'échiquier de l'amour, Emma pourrait bien oublier qu'elle est elle-même une pièce de ce jeu, dans le champ d'un roi qui cherche sa dame ...

"Je n'ai pas les incitations qu'ont d'ordinaire les femmes à prendre époux. Si je tombais amoureuse, alors oui, ce serait différent."

Emma est un roman drôle, fin, romantique . On se délecte des tournures de phrases de Jane Austen et de sa description des mœurs de la société pré-victorienne, cette oeuvre ayant été publié en 1815 pendant la période de la Régence anglaise marquant la transition entre l'époque georgienne et l'ère victorienne. Il faut dire que la correspondance via de belles lettres manuscrites, ça a quand même plus de gueule que l'échange de SMS (ou de sextos pour les plus coquinous). Tout comme le prêt de diligence entre voisins présente un charme désuet que nous ne connaîtrons plus avec Uber et consorts (quand bien même les chauffeurs mettent à notre disposition une bouteille d'eau et un paquet de Dragibus). Et c'est sans compter les bals qui devaient faire palpiter les cœurs mille fois plus fort qu'un rendez-vous actuel Tinder.

Bref, je veux pas me la jouer "c'était mieux avant" (quoique ?), mais ce petit bond dans le temps ravivera pour sûr la flamme du romantisme qui sommeille en chacun de nous !

Et pour rester dans la même ambiance, ou presque... (Cliquez donc !)

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