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Icare, Moebius & Jirô Taniguchi


Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais, en ce qui me concerne, il me suffit parfois d'une toute petite miette de la personnalité de quelqu'un pour me donner envie de le découvrir davantage. Il y a quelque temps, je vous causais de Vous connaissez peut-être, le dernier roman de Joann Sfar. Dans ce bouquin truffé d'anecdotes sur diverses célébrités, au sens noble du terme, le père du chat du rabbin évoque une discussion qu'il a eu avec Moebius, auteur français de bande dessinée (et qui a dessiné les costumes d'Alien, réalisé le storyboard de Tron et le concept design du Cinquième élément, entre autres). Après avoir été très enthousiaste au sujet des tables graphiques (des écrans sur lesquels on peut dessiner avec un stylet en plastique), Moebius abandonne cet outil et déclare à son ami que le problème, c'est "l'écart entre [le] stylet et [l'] oeuvre" : "Il y aura toujours l'espace de la vitre entre la pointe de ton stylet et ton dessin, et ça, en dessin, c'est impossible". J'ai trouvé cette formule pétaradante de bon sens. Il fallait donc que je découvre une oeuvre de cet artiste.

Et c'est chose faite avec le manga Icare, dont il est le scénariste, et Jirô Taniguchi (dont je vous ai parlé récemment) le dessinateur. L'occasion pour moi d'enclencher la phase 2 de mon plan "apprivoiser les mangas", en passant une nouvelle étape qui est celle de lire dans le sens de lecture japonais, c'est-à-dire de droite à gauche, et de haut en bas. Un peu comme si je passais de la maternelle manga au CP manga, en quelque sorte.

Malheureusement, ce changement de classe s'est soldé par un échec : je n'ai pas du tout accroché à Icare. Pourtant, ça partait bien, avec un début très poétique sur la naissance d'un petit garçon qui s'envole dès la sortie du ventre de sa mère (évidemment, avec un prénom pareil, le mythe du héros grec n'est pas très loin). Petit problème : il naît dans une société futuriste japonaise dans laquelle le gouvernement s'intéresse fortement aux mutants présents dans la population, dont certains ont la capacité de se faire exploser. Le pouvoir politique met donc la main sur Icare, qui sera enfermé dans un centre de recherche scientifique afin d'analyser toutes ses capacités extraordinaires. Il y fera la rencontre de Yukiko, jeune scientifique dont il tombera amoureux et qui le poussera à déployer ses ailes pour quitter le nid dans lequel l'Etat l'a bassement séquestré ...

Si Icare est très beau graphiquement parlant grâce au maître Taniguchi, j'y ai regrettablement trouvé des éléments qui me rebutent dans l'univers manga : la violence représentée sous des traits durs, ainsi que des illustrations érotiques qui tombent un peu comme un cheveu sur la soupe (ou comme une luciole sur les nouilles, c'est comme vous préférez). Non pas que je sois animée d'un esprit particulièrement pudibond, mais c'est un peu comme les pubs pour capotes ou lubrifiants diffusées avant les films grand public le dimanche soir sur TF1 : on se demande un peu ce que ça fout là.

Cette réécriture du mythe d'Icare m'a replongée dans le malaise que j'avais ressenti enfant devant un dessin animé qui m'a beaucoup marquée : Le Roi et l'Oiseau (vous pouvez mirer la bande-annonce en cliquant sur la vignette correspondante ci-dessous). Je suppose que la poésie confrontée à une extrême modernité ne font pas bon ménage dans mon petit cœur. Si vous avez un livre ou un film (ou encore mieux : un manga) à me conseiller comme remède contre ce drôle de dérangement, je ne suis preneuse. D'ailleurs, en faisant des recherches, j'ai eu l'agréable surprise d'apprendre que ce rapprochement personnel fait entre ce dessin animé et l'univers des dessins japonais n'était pas si ahurissant que cela car - instant culture gé ! - c'est en découvrant Le Roi et l'Oiseau que Hayao Miyazaki a eu une révélation qui l'a poussé à devenir réalisateur de films d'animation (Et je ne l'invente pas, c'est Arte qui le dit !). Son premier film, Le château de Cagliostro est ainsi un hommage au dessin animé précité. Comme quoi, Icare aura au moins eu le mérite de me prouver que l'animation française et l'animation japonaise ne sont pas si éloignées que cela !

Et pour rester dans la même ambiance, ou presque... (Cliquez donc !)

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