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Les Cygnes de la Cinquième Avenue, Melanie Benjamin


Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais, en ce qui me concerne, j'ai toujours été fascinée par le nombre de tableaux et de posters représentant des icônes de beauté des temps passés qu'on peut se procurer pour trois francs six sous dans les magasins discount et qu'on a l'impression de voir partout. PAR-TOUT. Notamment des Marilyn à tire-larigot, de plus ou moins bon goût. Tenez, ça m'a frappé l'autre jour chez mon esthéticienne : qui trônait sur le mur et me toisait de son regard malicieux ? Cette chère Audrey. Audrey Hepburn, son chignon impeccable, son indémodable porte-cigarette, et son éternelle élégance. Comme si son joli minois apportait une valeur ajoutée à l'institut dans lequel je me trouvais, une caution beauté intangible. Ce qui m'a amenée à me poser la question suivante : qu'est-ce que ces étoiles nous ont légué ?

Essentiellement leur image, je crois. Cela relève peut-être de mon côté vieille bique aigrie de m'interroger sur le point suivant, mais je serais bien curieuse de savoir le pourcentage de personnes connaissant les visages de ces actrices ET qui serait en capacité de citer disons au moins deux films dans lesquelles elles ont chacune joué. Mais peu importe au final : leurs traits, leurs ports de tête, leurs manières de se maquiller et de se coiffer font désormais partie d'une sorte de patrimoine impalpable collectif. Tout comme certaines robes d'ailleurs, par exemple la robe blanche de Marilyn Monroe voletant au-dessus d'une bouche d'aération de métro. D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais à l'occasion du décès de Mireille Darc le 28 août dernier, les médias ont essentiellement relayé une photo : celle de l'actrice portant sa mythique robe qui découvre son dos dans Le Grand Blond avec une chaussure noire.

Bref, toute cette longue introduction pour vous présenter le roman Les Cygnes de la Cinquième Avenue, de Melanie Benjamin, qui cause notamment de femmes sophistiquées pour qui l'élégance et le raffinement étaient l'obsession d'une vie. Et pas n'importe lesquelles : les épouses de la haute société new-yorkaise dans les années 50. Mi-Desperate Housewives, mi-Gossip Girls, ces cygnes ne craignent que deux choses que toute leur fortune ne peut contrer : la vieillesse, et le scandale, "un divin, merveilleux scandale littéraire, comme au bon vieux temps de Hemingway et de Fitzgerald".

Plus particulièrement, le récit se concentre le coup de foudre amical entre l'une d'entre elles, Babe Paley, icône de la mode, remariée au fondateur de la CBS, et l'écrivain Truman Capote : "Elle l'avait compris dès leur première rencontre, dans l'avion. Quelqu'un était arrivé. Quelqu'un de très important pour elle. Comment peut-on le savoir, avant même de s'être salués ? L'air qui s'épaissit associé à une légèreté de mouvement. Le passé qui ralentit et le futur qui accélère. L'envie de rire et de pleurer tout à la fois. Une table pour deux, et non plus pour soi toute seule. Mais une table cachée dans le coin le plus sombre du restaurant, les rideaux tirés tout autour, et pourvue de suffisamment de vin pour que les langues se délient et que les coeurs se confient.". Car oui, derrière les coupes de champagne, les soirées de galas, les robes Balenciaga et les colliers de diamants, les cygnes couvent des secrets, qui pourraient bien devenir une matière première pour les futurs ouvrages de Truman Capote, leur confident.

L'auteur, Melanie Benjamin, gratte ainsi le vernis de vies luxueuses pour dessiner le portrait de femmes aux multiples paradoxes : hypocrites mais solidaires, riches mais vides, aux nombreuses relations mais seules. Babe Paley et Truman Capote tenteront de par leur amitié de refermer chacun leurs blessures d'enfance qui ne finissent pas de suinter, et de faire taire de vieilles injonctions parentales qui ne cessent de flétrir leurs vies. A moins que l'écrivain ne soit prêt à sacrifier son amie sur l'autel des grandes œuvres littéraires ?

Au-delà d'un roman sympathique, sans être le chef d'oeuvre du siècle, Les Cygnes de la Cinquième Avenue permet d'en savoir plus sur la vie de Truman Capote. Je n'y connaissais pas grand chose, et peut-être que c'est du basique pour vous chez lectrices et lecteurs, mais on ne sait jamais : voici deux bricoles pour briller en société tirées du livre :

  • Truman Capote et Harper Lee (l'auteur de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, l'un de mes livres préférés, soit dit en passant) étaient voisins et amis d'enfance à MonroeVille, dans l'Alabama. Harper Lee a assisté Truman Capote pour les enquêtes nécessaires à l'élaboration de son roman De Sang Froid (qu'il lui dédiera). Inversement, Truman Capote aurait aidé Harper Lee pour la rédaction de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, et selon une légende urbaine, il en serait l'auteur. Ce qui est plus sûr, c'est que Truman Capote aurait inspiré le personnage de Dill dans ce roman.

  • Le film Diamants Sur Canapé est adapté d'une nouvelle de Truman Capote, Petit Déjeuner chez Tiffany. L'auteur a d'ailleurs déploré le choix d'Audrey Hepburn pour incarner le personnage principal, il avait d'abord songé à son amie Marilyn Monroe.

A noter qu'à la fin de son roman, Melanie Benjamin dénoue la réalité de la fiction, ce qui est particulièrement intéressant puisque tous les personnages du livre ont réellement existé ("A chacun des livres que j'écris, je me rends compte que certains lecteurs sont très curieux de savoir ce qui est vrai et ce qui est inventé."). Et en plus, bonus, elle conseille d'autres lectures pour qui a "envie d'en savoir plus sur ces vies incroyablement privilégiées, fascinantes au-delà de tout ce qu'il est possible de croire mais tragiques, au bout du compte". Alors, intéressé·e ?

Et pour rester dans la même ambiance, ou presque... (Cliquez donc !)

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