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Derniers feux sur Sunset, Stewart O'Nan


Hollywood à l'endroit : neuf lettres paradant sur une colline, des projecteurs qui balaient le ciel les soirs de premières, des limousines qui déversent des stars sur le tapis rouge, des cordons de velours pour retenir les photographes et les demandeurs d'autographes ;

Hollywood à l'envers : une industrie sans pitié, des tas de projets avortés, des espoirs déçus, des milliers de petites mains exploitées ;

Francis Scott Fitzgerald à l'endroit : grand écrivain américain, né en 1896 dans le Minnesota, formé à la prestigieuse université de Princeton, célèbre pour son chef d'oeuvre Gatsby le Magnifique ;

Francis Scott Fitzgerald à l'envers : écrivain ayant sombré dans l'anonymat les dernières années de sa vie, alcoolique, ruiné, débarquant en 1937 à Hollywood comme scénariste pour la Métro Goldwyn Mayer (vous savez, le petit lion que vous voyez rugir avant certains films ?) afin de gagner un peu d'argent notamment pour pouvoir payer les frais de la clinique psychiatrique dans laquelle sa femme Zelda, qui a perdu la tête, a été internée, ainsi que les frais de scolarité de leur fille Scottie ;

Prenez tous ces endroits et ces envers, mélangez le tout et vous obtenez Derniers feux sur Sunset, doux roman mélancolique qui vous emmènera sur la côte californienne à la fin des années 30, aux côtés d'un Francis Scott Fizgerald qui se bat contre ses démons et cherche à se prouver qu'il est encore capable d'écrire.

"Los Angeles n'avait jamais été sa ville, et tandis que les cafés encore ouverts et les drive-in défilaient de part et d'autre, il se dit qu'il comprenait pourquoi. Malgré toute la beauté tropicale de cette ville, elle avait quelque chose de dur, elle manquait de charme, elle était d'une vulgarité aussi typiquement américaine que l'industrie cinématographique [...]. C'était une ville d'étrangers, mais au contraire de New York, le rêve que vendait L.A., comme tout lieu mythique, n'était pas un rêve de dépassement de soi mais de prospérité infinie, que seuls pouvaient atteindre les très riches et les morts."

Je sais pas ce qu'il en est pour vous, mais en ce qui me concerne, il y a deux trucs qui me fascinent à propos des destins de certains artistes :

1- leur capacité à pondre jeune des chefs d'oeuvre ; tenez, l'autre jour, de très bons amis m'ont emmenée voir West Side Story à La Seine Musicale. Je me suis replongée pour l'occasion dans ma bible sur le sujet, Histoires de comédies musicales, de Patrick Niedo. Et qu'apprends-je ? Que Stephen Sondheim (que vous connaissez peut-être plus comme compositeur de Sweeney Todd) a écrit les paroles de ce Roméo et Juliette des temps modernes à ... 27 ans. Si je me compare , ceci signifie qu'à mon âge, j'aurais déjà signé les paroles d'une des plus grandes comédies musicales de tous les temps. Mazette. Francis Scott Fitzgerald avait lui 29 ans quand a été publié Gatsby le Magnifique. C'est un petit peu rassurant, cela veut dire que j'ai théoriquement encore un an pour pondre un chef d'oeuvre littéraire. Facile. (Et oublions Mozart, voulez-vous ; parce qu'écrire un opéra avant mes six printemps, c'était complètement impossible).

2- l'anonymat dans lequel ils ont pu être plongés pendant tout ou partie de leur vivant : Van Gogh, par exemple, a passé une grande partie de la vie à chercher des acheteurs pour ses toiles. Son dernier tableau a été vendu après sa mort par sa sœur pour l'équivalent de 50 centimes d'euros ... pour être revendue en 1990 à 75 millions de dollars. Et les écrivains étant devenus célèbres uniquement après leur mort ne sont pas en reste : Edgar Allan Poe, Franz Kafka, Emily Brontë ... Il était difficile pour moi d'imaginer que l'auteur de Gatsby le Magnifique avait vécu des dernières années difficiles, à réécrire sans cesse des bouts de scénarios pendant que des grands classiques du cinéma tels que Le Magicien d'Oz ou Autant en emporte le vent prenaient vie.

Malgré quelques longueurs (au profit de sublimes descriptions de belles langueurs), Stewart O'Nan restitue avec émotion la fin du parcours de celui qui est considéré aujourd'hui comme l'un des plus grands auteurs américains. Un récit délicat d'une détresse intérieure qui ne laisse pas indifférent·e.

Et pour rester dans la même ambiance, ou presque... (Cliquez donc !)

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