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Le Destin funeste de Michael Rockefeller, Carl Hoffman


Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous mais, en ce qui me concerne, je n'ai jamais été très fortiche en géographie. Je peine déjà à retenir l'ensemble des capitales du monde, alors lorsqu'en terminale on me demandait de mémoriser et de reproduire des cartes sur les pôles et les flux de la mondialisation par exemple, je n'en menais pas large.

Aussi étais-je bien contente que Le Destin funeste de Michael Rockefeller, dont l'histoire se déroule en Nouvelle-Guinée néerlandaise (1000 points à celui ou celle capable de situer cette contrée sans l'aide de Google), s'ouvre sur une carte que vous pouvez mirer ci-dessous :

Bienvenue chez les Asmat, groupe ethnique de la province indonésienne de Papouasie, "gigantesque tapis vert et impénétrable, veiné de voies d'eau brunes qui serpentent dans toutes les directions [...], peuplé d'esprits et de secrets ; y règnent les lois et les coutumes d'hommes et de femmes isolés depuis la nuit des temps par l'océan, les montagnes et la jungle.". Petite particularité culinaire : les Asmat étaient (et sont peut-être encore) des chasseurs de tête. Autrement dit, ils aimaient bien se faire un petit cuissot de chair humaine de temps en temps. Bref, c'étaient des cannibales.

Il se trouve qu'à l'aube des années 60, Michael Rockefeller, jeune héritier de la richissime famille américaine Rockefeller, s'était pris de passion pour cette tribu et tentait de dégoter des œuvres d'art primitif (dont certaines sont exposées aujourd'hui au Metropolitan Museum of Art de New York). Sauf que, manque de bol pour cet aventurier Koh-Lanta avant-gardiste, il disparut lors d'une expédition dans le territoire Asmat. Une rumeur prit alors vite de l'ampleur : Michael Rockefeller aurait été tué puis mangé par des villageois qui se seraient partagé son corps ... et leur sentence était irrévocable.

Du moins, c'est la théorie sur laquelle Carl Hoffman enquête avec brio dans Le Destin Funeste de Michael Rockefeller, se rendant lui-même sur les lieux du crime une cinquantaine d'années après la disparition du jeune héritier. Alors oui, on pourrait penser que 485 pages autour d'un seul et même fait, ça fait beaucoup. Mais que nenni !

J'ai retrouvé le plaisir des ingrédients des œuvres de non-fiction, genre littéraire que j'ai découvert avec le roman De Sang-Froid, de Truman Capote : une enquête passionnante sur un fait glaçant, méticuleusement documentée, recontextualisée, et, surtout, une réflexion sous-jacente sur des thèmes bien plus profonds. En l'occurrence, Carl Hoffman s'interroge sur le statut du voyageur occidental ("Voyager signifie vouloir se souvenir et acquérir [...]. Moi-même, je ne suis jamais revenu d'un voyage sans être chargé d'objets que je convoitais"), sur son éventuel impact ("Il était jeune et riche, habitué à obtenir ce qu'il voulait, et semblait n'avoir aucune conscience ni du rôle qu'il jouait dans l'altération de l'économie locale - et du fait qu'il dénaturait les cérémonies du village - ni de la nature contradictoire de son entreprise. L'héritier d'une des plus grosses fortunes mondiales pillait des objets sacrés en échange de quelques pièces"), sur l'ethnocentrisme (ce territoire Asmat ayant été occupé par les Pays-Bas pendant près de 300 ans), mais également sur l'art, et en particulier sur l'art primitif (ce qui est très intéressant si, comme moi, vous aimez déambuler dans les couloirs du musée du Quai Branly).

Une très belle manière de découvrir un monde extérieur et inconnu pour mieux explorer son moi intérieur et s'interroger sur son rapport à l'Autre.

Et pour rester dans la même ambiance, ou presque... (Cliquez donc !)

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